Deux jours avant sa sortie dans les salles russes, le ministère de la Culture a retiré, le 23 janvier, le visa d’exploitation du film La mort de Staline, réalisé par le Britannique Armando Iannucci (In the loop, Veep…). Officiellement, rapporte le quotidien RBK, cette décision a été motivée par la “découverte d’éléments interdits par la loi lors d’une projection publique du film”.

Inspiré de la bande dessinée française du même nom, dont les auteurs sont Thierry Robin et Fabien Nury, le film raconte, sous la forme d’une comédie satirique, la lutte pour le pouvoir qui fait rage dans l’entourage de Staline au lendemain de la mort du dirigeant soviétique, en 1953. Steve Buscemi campe Khrouchtchev, l’ex-Monty Python Michael Palin incarne Molotov – ce qui suffit pour donner une idée du potentiel burlesque du long-métrage, une coproduction franco-britanno-canadienne tournée en anglais.

“Un crachat au visage des Russes qui ont connu la guerre”

Il se trouve que le 22 janvier, alors que l’instance ad hoc avait déjà donné son accord, et suite à une lettre adressée par les juristes du ministère de la Culture à leur ministre de tutelle Vladimir Medinski, le long-métrage a fait l’objet d’un nouveau visionnage en présence du ministre, de réalisateurs, dont Nikita Mikhalkov, ainsi que d’autres fonctionnaires du ministère. Le lendemain, ces spectateurs ont fait savoir à Medinski que La mort de Staline était un “crachat au visage des gens qui ont connu la guerre”, et lui ont demandé de retirer le visa d’exploitation afin que le film ne sorte pas en salles au moment où est célébré le 75e anniversaire de la fin de la bataille de Stalingrad (2 février) et de la victoire des Russes contre les Allemands.

“Le retrait de visa d’exploitation peut être considéré comme une tentative de censure”, estime le président du Centre des technologies politiques, Igor Bounine, interrogé par RBK.

Il n’y a sûrement pas dans le long-métrage de scènes pornographiques ou appelant au suicide. Il s’agit juste pour les autorités de s’éviter un film désagréable et encombrant.”

Comme le rappelle la Nezavissimaïa Gazeta, la loi interdit en effet les contenus faisant la promotion de la violence, des relations sexuelles “non traditionnelles”, de l’usage des drogues, ou par exemple ayant recours à un langage grossier. Rien de tout cela ne figure vraisemblablement dans le film incriminé ; quant aux reproches concernant la “déformation de l’Histoire”, “la présence d’éléments idéologiques” ou “l’offense au drapeau et autres attributs soviétiques”, ils ne tombent pas sous le coup de la loi. Pour le quotidien, il n’est pas acceptable que “des fonctionnaires décident de ce que les spectateurs peuvent ou ne peuvent pas voir”.

La mort de Staline devrait obtenir son visa d’exploitation l’été prochain. Le film est attendu sur les écrans français le 21 mars.