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Bande dessinée : la fusée de Tintin retirée d’une affiche

La société chargée de l’exploitation commerciale de l’œuvre de Hergé intime à CBBD, le Musée de la bande dessinée à Bruxelles, qui fête ses 30 ans, de retirer de son affiche la célèbre fusée, sous peine de poursuites.

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Publié le 09 septembre 2019 à 17h40, modifié le 16 septembre 2019 à 07h56

Temps de Lecture 3 min.

Le créateur de bandes dessinées Emmanuel Lepage, dans son atelier à Plourhan (Côtes-d’Armor), en septembre 2013.

La nouvelle a créé l’émoi dans le milieu de la bande dessinée. Choisi pour réaliser l’affiche fêtant les 30 ans du Centre belge de la bande dessinée (CBBD), musée consacré au 9e art et ouvert à Bruxelles en 1989, le dessinateur Emmanuel Lepage s’est vu interdire par les ayants droit d’Hergé d’utiliser la fusée au damier rouge et blanc, empruntée par Tintin dans les albums Objectif Lune et On a marché sur la Lune (Casterman).

Réalisé avant l’été et rendu public le 27 août sur le compte Instagram d’Emmanuel Lepage, le dessin se voulait un hommage aux grandes figures de la bande dessinée. Hormis la fusée de Tintin, on y trouvait plusieurs références, comme le vaisseau spatial de Valérian et Laureline (Mézières et Christin), l’Espadon de Blake et Mortimer (Jacobs), la 2 CV rouge de Boule & Bill (Roba), le ptérodactyle d’Adèle Blanc-Sec (Tardi) ou le « ptéroïde » d’Arzach (Moebius).

Dès le lendemain de cette publication, le CBBD a pourtant reçu un courriel du service juridique de Moulinsart, la société chargée de l’exploitation commerciale de l’œuvre d’Hergé, lui intimant de retirer la célèbre fusée de l’affiche, sous peine de poursuites. Et la secrétaire générale du musée, Isabelle Debekker, de regretter :

« On a dû détruire tout ce qu’on avait imprimé et demander à l’auteur de modifier son dessin. Pourtant, il ne s’agissait pas d’une opération commerciale, on ne devait pas vendre l’affiche. C’est incompréhensible et désolant. »

Après l’incompréhension, une nouvelle affiche

Emmanuel Lepage dit ne pas comprendre non plus la position des ayants droit d’Hergé. « Les références et les emprunts font partie de l’histoire de l’art. Quand Marcel Duchamp met une moustache à Mona Lisa, c’est un hommage à Léonard de Vinci ! L’Olympia d’Edouard Manet, c’est un hommage à La Grande Odalisque d’Ingres ! Tintin fait partie de notre imaginaire collectif, il est normal de pouvoir y faire référence. Moulinsart dit vouloir préserver l’œuvre d’Hergé, mais ils vont finir par scléroser Tintin, par le minéraliser », estime le dessinateur, respecté dans le milieu et auteur de plusieurs albums remarqués, comme la série Muchacho (Dupuis) ou Les Voyages d’Ulysse (Daniel Maghen).

« Aucun autre ayant droit ne nous a fait part de son refus, au contraire », assure Mme Debekker

Piqué au vif, Emmanuel Lepage, qui a dû refaire l’affiche en un week-end, s’est du coup amusé à ajouter d’autres références à son nouveau dessin, des reproductions d’Astro Boy et de Superman, un Schtroumpf ou encore une baleine sortie d’un album de Broussaille (Frank Pé). L’auteur a même apposé un damier rouge et blanc sur le Marion-Dufresne, le navire océanographique qui se trouve au centre du dessin, sujet d’un de ses albums (Voyage aux îles de la Désolation, Futuropolis). « Aucun autre ayant droit ne nous a fait part de son refus, au contraire », assure Mme Debekker.

Interrogé par Le Monde, Nick Rodwell, patron de Moulinsart et mari de Fanny Rodwell, la veuve et légataire universelle de Georges Rémi dit Hergé, explique que « le travail d’Hergé n’est pas dans le domaine public » et qu’un dessin inspiré de l’univers de Tintin ne peut donc pas être reproduit sans l’autorisation des ayants droit. Connu pour être très pointilleux en la matière, M. Rodwell s’énerve :

« La nouvelle directrice du CBBD nous a écrit qu’elle ne comprenait pas notre action parce que [cette affiche] n’est pas commerciale. Elle devrait (…) chercher un nouvel emploi ! »

Preuve de cette sévérité, la société Moulinsart a demandé et obtenu, vendredi 6 septembre, la fermeture d’une exposition consacrée à l’artiste allemand Georg Barber, dit Atak, dans une galerie de Lausanne (Suisse). Prévue du 5 au 29 septembre, celle-ci mettait en scène plusieurs peintures réalisées en hommage à Tintin. Sur son site, la galerie RichterBuxtorf dit n’avoir « aucun doute que l’artiste berlinois ne fait que citer le petit journaliste et son chien blanc et qu’il est ici dans un droit lié à la liberté artistique » mais qu’elle « n’a pas les moyens d’engager une guerre par avocats interposés ».

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