lundi 10 novembre 2014

"Panthère"


Panthère, Brecht Evens, éd. Actes Sud, 
coll. Actes Sud BD.


J'avais pu déjà voir quelques planches intérieures bien alléchantes de cet album sur le Facebook d'Actes Sud, puis j'ai vu la couverture et je me suis dit "wouaw"! Bon, j'avoue, Brecht Evens, je n'en avais jamais entendu parlé (honte) mais pour ma défense, il est surtout connu en BD (honte atténuée). Monsieur petit génie a donc étudié à l'école Saint-Luc de Gand. En 2009, à Angoulême, il fait partie des talents émergents de la bande dessinée flamande. Il n'a que 23 ans (m'énerve). En 2010, il est récompensé par le Prix Willy Vandersteen pour son premier album d'envergure Ergens waar je niet wil zijn. En 2011, l'album traduit en français, Les Noceurs, reçoit le Prix de l’Audace du festival d'Angoulême. Brecht Evens est dés lors consacré « révélation » de la jeune bande dessinée indépendante.
Aujourd'hui, à 28 ans, il sort en français Panthère et celui que nous pourrions qualifier de frère spirituel flamand de Mélanie Rutten nous fout une grande claque par sa puissance d’innovation graphique et la subtilité de son propos. Sous des airs faussement enfantin, Panthère va nous parler de nos alliés et démons intérieurs, soutenu par une illustration riche, innovante, colorée... Sublime!

Christine adore son chat mais celui-ci est très vieux et ne reviendra pas de sa visite chez le vétérinaire. Son chagrin est immense, elle se sent seule et trahie par son papa.


Sort alors du tiroir de sa commode "Panthère, prince héritier de Panthésia", le fauve imaginaire, toujours en mouvance, toujours différent, doux, attentif et consolant, s'adaptant aux désirs de la petite fille, jouant, protecteur et caressant.


Panthère l'écoute et fait de ses nuits un festival de rêves colorés.


Panthère devient le centre de la vie de Christine, et comme le prince a envahi ses nuits, il envahit petit à petit ses journées et ses pensées. Le doute s'installe avec la disparition de Bonzo, l'ours en peluche qui essayait de prévenir la fillette d'un danger: "Méfie-toi de Panthère". Pourquoi? Panthère est génial, il a rendu le sourire à Christine, sa curiosité, sa joie, ses jeux, où serait le danger? 


Le danger, c'est que faire appel au pouvoir guérisseur de l'inconscient, se connecter avec les guides positifs qu'il abrite a été un réflexe bénéfique pour l'enfant mais l'inconscient possède aussi ses parts d'ombre et de personnages obscures et il faut certaines clefs pour s'en défendre. Que le monde de son inconscient aide Christine, oui. Qu'il remplace sa vie, non. C'est comme si les ombres chinoises créées par Panthère pour le plaisir de Christine avaient engendré ses propres ombres, ingérables, sournoises, incontrôlables, inachevées. Dangereuses. Il faudra que les nuits de Christine se fassent noires et blanches pour qu'elle comprenne qu'il est temps de prendre ses distances avec ce monde sans consistance. Ce sera aussi la seule fois où son doux félin se nomme lui-même "ton Panthère"... "tombe en terre". Revenir à la cause, au réel, au rituel.