Un
peu plus d’une semaine après sa nomination comme nouveau procureur de Crimée, Natalia Poklonskaïa était
devenue une star du Net. Ni en Russie, ni en Ukraine, mais… au Japon.
La vidéo de sa conférence de presse du 13 mars, publiée sur YouTube, a été vue
plus de 800 000 fois en une semaine. Cette même vidéo, assortie d’un
titre en japonais, a été visionnée encore 200 000 fois et a suscité un
grand nombre de commentaires flatteurs pour la procureure de 33 ans.

Poklonskaïa
a été nommée au poste de procureur de Crimée le 11 mars. Selon ses propres
dires, elle est diplômée de l’université du ministère des Affaires intérieures
d’Evpatoria [ville littorale de l’est de la presqu’île de Crimée]. Elle a travaillé à Simferopol en tant que procureure intercommunale
pour l’environnement, puis a été transférée au bureau du procureur général
d’Ukraine, à Kiev. En février, elle décide de démissionner en raison
des événements de Maïdan. Le 16 mars, au cours de sa première conférence de
presse en tant que procureure de Crimée, elle affirme qu’aucune loi n’a pour l’heure été violée dans la presqu’île. Toutefois, ce ne sont pas
les paroles de la procureure qui enflamment alors les internautes, mais plutôt la
jeune femme elle-même. “On envie l’Ukraine !”

Et
l’affaire ne se limite pas au succès de la vidéo. Les Japonais, transportés par la beauté de Mme Poklonskaïa, se mettent immédiatement à
l’immortaliser dans… des films d’animation ! Le site Pixiv.net, consacré à
la publication par les utilisateurs de leurs propres œuvres dans le style du
film d’animation japonais, compte plusieurs dizaines de représentations de
Poklonskaïa sous forme de reprises stylisées de certaines images de sa
conférence de presse ou de variations graphiques dans l’esprit “femme félin”
(Poklonskaïa y apparaît avec des oreilles de chat sur la tête).

Les
commentaires sur Internet au Japon concernant la nouvelle procureure de Crimée
sont étonnants : les internautes sont prêts à aller en Crimée dont ils ne
savent quasiment rien, dans l’unique but d’y être interrogés par Poklonskaïa : “Je dirai tout ce que je sais et même ce que je ne sais pas !” “Quelle belle femme, on envie l’Ukraine !” C’est ce que proclament,
sur YouTube, des messages en russe de Japonais qui, visiblement, ne sont pas
encore au courant du retour de la Crimée dans le giron russe.

“Pour
l’instant, nous espérons que le travail de Natalia ne sera pas trop dur,
conclut le site japonais d’information RocketNews24,
surtout au vu de la situation actuelle. Croisons les doigts pour que tout se
termine pacifiquement et que tous soient heureux.” En effet, le travail de
Poklonskaïa est assez difficile en ce moment, car elle s’occupe de l’affaire de
la fusillade du 18 mars en Crimée, qui a fait deux morts. Personnages de rêve

En
février, l’objet d’adoration des Japonais était la patineuse russe Ioulia
Lipnitskaïa. De nombreuses illustrations, dans le style des mangas, lui ont également été consacrées. Mais il s’agissait alors d’une
championne olympique dont le triomphe a été salué par le monde entier… Alors
quelle peut être la raison de cet engouement si fort des Japonais, et notamment des
adeptes de dessins animés, pour le personnage de Poklonskaïa ?

Selon
Valeri Korneev, rédacteur du site Otaku.ru, l’intérêt des artistes pour le personnage
de la procureure de Crimée s’explique entièrement par l’expression populaire : “D’abord, c’est beau”. Il y a quinze jours, les dessinateurs au Japon
croquaient très souvent Ioulia Lipnitskaïa. Leur attention est maintenant
tournée vers Mme Poklonskaïa. Cette femme sympathique, qui occupe un poste
important dans le système judiciaire, est un personnage féminin assez répandu dans les mangas et les dessins animés japonais, et il relève
plutôt du fantasme. Dans la réalité, les femmes japonaises ont peu souvent
la chance de progresser dans la hiérarchie de la police ou des forces armées.
Les jolies filles, en uniforme militaire, dans les pages de bandes dessinées
reflètent les rêves des auteurs de ces ouvrages ainsi que ceux de leurs
lecteurs qui voudraient voir de jolis minois au sein de ces administrations. En étudiant attentivement Pixiv.net, site artistique où peuvent
publier autant professionnels qu’amateurs de très grande
qualité – car le Japon est un pays de dessinateurs –, on peut y découvrir les
figures des jeunes filles du groupe russe Tatou, des personnages de dessins animés de
Roman Katchanov et aussi celui de l’Ukrainienne Ioulia
Timochenko. Dès leur petite enfance,
les Japonais s’habituent aux canons esthétiques du manga, qui
exagère la beauté des personnages. Certains dessinateurs vont jusqu’au bout de cette logique stylistique et transforment des objets
inanimés comme des avions de chasse, des navires de guerre, voire même le Grand Collisionneur de hadrons, en sympathiques jeunes filles.