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Megg, Mogg & Owl Maximal Spleen

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Beaucoup de bandes dessinées nées de l’après 68, semblent aborder la mélancolie par une forme de désenchantement, qui serait lié à l’enfance et à sa mise à mort par l’adolescence puis l’adultat. Quoi de plus naturel donc que de convoquer culture et formes expressives liées à l’enfance pour la confronter à une réalité désaccordée des idéalités enfantines, à leurs rêves naïfs. La neuvième chose profondément et historiquement liée à l’enfance, voire même alors langage pour les enfants pour certains, ne pouvait qu’être un outil de choix pour de frais adultes cherchant à montrer, comprendre, se défaire plus ou moins de cette mélancolie. D’autant que la bande dessinée est d’un faible coût technique (papier, crayon peuvent suffire), qu’elle convoque le dire et le montrer, qu’elle a de plus été revendiquée comme art alternatif ou numéroté 9, et qu’elle semble encore liée aux cultures dites «jeunes» en général. Le désenchantement par la bande serait alors de parler de problèmes de grands avec le langage des petits, le langage d’une période d’innocence.
Du Yum Yum Book de Crumb par exemple à Maximal Spleen, il y aurait à exprimer l’indicible par le langage que l’on a le mieux appris, le mieux compris, remontant le plus loin aussi et qui, par cet usage, contiendrait déjà la distance et la trahison que l’on ne saurait formuler.

Simon Hanselmann poursuivrait donc cette logique, en y apportant une autre culture générationnelle et vernaculaire. Quand d’autres pouvaient être marqués par Disney et l’Amérique de l’après-guerre, Hanselmann convoque lui un album pour la jeunesse des années 70[1], et une culture télévisuelle anglo-saxonne encore plus prégnante car perçue du fin fond de sa Tasmanie natale.
Une sorcière, un chat et un hibou anthropomorphe, forment ici un trio héroïque, dont on suit les confrontations entre «teen movie» et «soap opéra». Pourquoi en bande dessinée ? Parce que longtemps cinéma de papier, elle peut être aujourd’hui une télévision de même nature[2].

Tout le travail sera de faire la part des choses entre illusions et mensonges, de confronter l’imaginaire au vécu, en habillant l’un de l’autre et vice versa. Maximal Spleen semble en grande partie autofictionnel. Comme d’autres, l’auteur ajoute son histoire familiale, l’usage des drogues, la sexualité, son interrogation sur le genre et un penchant marqué pour le travestissement. Mise en abîme, course vers l’abîme, comment l’éviter serait la question sous-jacente ?

En quatrième de couverture, la sorcière — en laquelle de nombreuses photos sur la toile montre que l’auteur aime à se déguiser — peut voler, elle ne tombera pas forcément dans le vide. Megg, Mogg & Owl sont une thérapie. Le goût pour l’expérimentation et la mise en danger s’y déploient pour la création, permettant l’élaboration d’une œuvre rapidement passionnante. Trivialité et subtilité s’entrecroisent de manière insolite et souvent jubilatoire. A la lecture, l’œuvre fait apparaître avec raison Simon Hanselmann comme cette étoile montante décrite par de nombreux commentateurs anglo-saxons, et misma nous en offre l’édition impeccable.

Notes

  1. Meg et Mog d’Helen Nicoll et Jan Pienkowski.
  2. Comics is a cheap television studio for poor kids.
Site officiel de misma
Chroniqué par en mai 2014