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Mort de Ted Benoit, pionnier et repreneur de Blake et Mortimer

Né en 1947, Thierry (dit Ted) Benoit restera surtout connu du grand public pour avoir été le premier repreneur de la saga Blake et Mortimer. Un défi qu'il aura su relever avec brio.

DISPARITION - Grand disciple de la ligne claire chère à Hergé, le créateur de Ray Banana est décédé à l'âge de 69 ans. Son œuvre, éclectique et variée, restera empreinte d'une grande élégance rehaussée d'une touche d'humour noir à l'américaine.

C'était un grand dessinateur. Un grand artiste tout simplement. Ted Benoit était la discrétion incarnée. C'est également de cette manière qu'il se sera éteint.

Mort à 69 ans, le 30 septembre, le créateur de Ray Banana nous fait un dernier clin d'œil. Lui, le disciple le plus pur de la «ligne claire» imaginée par le père de Tintin et Milou, il s'efface au moment même où le Grand Palais inaugure une belle rétrospective Hergé, qui rallie déjà tous les suffrages.

Né en 1947, Thierry (dit Ted) Benoit restera surtout connu du grand public pour avoir été le grand repreneur de la saga Blake et Mortimer, (après que Bob de Moor a achevé l'album des Trois Formules du professeur Sato, en 1990). En 1996, le défi était immense. Ted Benoit aura su le relever avec brio. Il n'était pas facile de se glisser dans la «ligne claire théâtrale» d'Edgar P.Jacobs. Benoit aura ainsi pris son temps, avec tout le talent qu'on lui connaît.

Son extrême méticulosité était légendaire. Ted Benoit concevait les expressions de Blake et Mortimer avec soin et perfectionnisme. Et ce dans chaque dessin des deux albums qui sortir sous sa signature L'Affaire Francis Blake et L'Étrange rendez-vous, toutes deux scénarisées par Jean Van Hamme.

En 2001, il avoua lors d'une interview au Figaro: «J'ai du mal à justifier ma lenteur. Cependant, on pourrait dire, pour reprendre le terme employé par le romancier américain Tony Hillerman, que j'utilise la «technique du canapé». En cela, je veux dire que je me laisse le temps de la rêvasserie...»

Maturation lente

Ted Benoit savait mettre à profit cette maturation lente. Il avait d'ailleurs analysé la manière de reprendre le style du père de Blake et Mortimer: «Ce que j'ai appris du style de Jacobs, expliquait-il en 2001 au Figaro, c'est son côté théâtral, expressionniste. Chez lui, donc chez moi, tout est empreint de dramatisation maximale. Avec Blake et Mortimer, il ne s'agit pas de faire de la BD cinématographique, mais de la bande dessinée théâtrale. C'est ce côté daté, outré, grandiloquent, voire dépassé, qui plaît tant aux jeunes générations, qui y trouvent sans doute un véritable dépaysement à l'heure d'Internet et du DVD.»

Mais il ne faudrait pas réduite l'œuvre de Ted Benoit simplement à Blake et Mortimer. Étant jeune , le dessinateur aura d'abord suivi un cursus étonnant, puisqu'il se destinait plutôt au cinéma, étudiant à l'Institut des Hautes Études Cinématographiques. Rat de cinémathèques, il dévore les films noirs américains des années 1940-1950. Jusqu'en 1971, il sera assistant-réalisateur à la télévision. Lorsque le magazine Actuel accueille ses premiers récits en bandes dessinées, Robert Crumb est son maître à dessiner.

Après quelques années de collaboration avec la presse underground - Géranomymo - , Ted Benoit rejoint, en 1975, L'Écho des Savanes que vient de créer Nikita Mandryka. Cette première période de sa carrière culmine dans l'album Hôpital, un album au dessin expressionniste. D'une froideur carcérale, ce récit gagne le prix du scénario au festival d'Angoulême en 1979.

Son personnage fétiche, Ray Banana

Son style mue radicalement lorsqu'il découvre Joost Swarte - Art Moderne - , le dessinateur hollandais qui vient de remettre la Ligne Claire hergéenne à l'honneur. L'hommage à Swarte est évident dans les planches de Bingo Bongo que publie alors la revue Métal Hurlant. Lorsque, en 1981, il réunit des courtes histoires - peu Ligne Claire - parues dans Libération et Métal Hurlant, il choisit un titre en forme de manifeste: Vers la Ligne Claire. Sous une forme mal dégrossie, Ray Banana, son personnage emblématique, est déjà présent.

Ted Benoit s'approprie les signes extérieurs de l'esthétique d'Hergé pour se livrer à un joyeux travail de distanciation, au point de devenir lui-même un chef de file de la nouvelle Ligne Claire aux côtés de Floc'h ou Chaland. En 1980, (À Suivre) accueille La Berceuse électrique.

Avec son physique de Clark Gable, Ray Banana est confronté à une étrange secte. Tout au long des 80 planches, Ted Benoit construit un univers hétéroclite et surréaliste. Futur proche et passé récent se mélangent dans une ville qui doit beaucoup à Hollywood. Ted Benoit commet un crime de lèse-Ligne Claire en utilisant des trames grises et des ombres portées noires: les «enfants» d'Hergé doivent parfois savoir se montrer irrespectueux. Dans la foulée de cet album mythique paraît Histoires vraies (1982), un recueil d'histoires sur scénario de Chéraqui, également publiées dans (À Suivre).

En 1984, grand retour de Ray Banana avec Cité Lumière. Nouveauté et hommage/clin d'œil, ce deuxième récit est mis en couleurs par les Studios Hergé. Quoi de plus normal pour une histoire se déroulant, comme Tintin et L'Alph Art, dans le milieu de la peinture. L'album paraîtra en 1986.

Le temps d'un album, Ted Benoit abandonne le dessin et écrit le scénario de L'Homme de nulle part pour Pierre Nedjar. Ce récit révèle la vie de Thelma Ritter, la femme de ménage de Ray Banana. Prépublié dans la revue (À Suivre) le récit paraîtra en album en 1989, chez Casterman.

Méticuleux et perfectionniste

C'est donc dans les années 90 que Ted Benoît relève son plus ahurissant défi: être le premier dessinateur à succéder à E.P. Jacobs sur une reprise audacieuse de la série Blake et Mortimer. Les éditions Dargaud décident de lui faire confiance en l'associant à Jean Van Hamme. Il dessine ainsi deux albums d'une grande maîtrise: L'Affaire Francis Blake en 1996, et L'Étrange rendez-vous en 2001. En 2004, pour François Ayroles, il signe le scénario de Playback, polar hitchcockien de fort belle facture.

Dessinateur méticuleux et perfectionniste, Ted Benoit se consacrait régulièrement à sa seconde «carrière»: l'illustration. La publicité et la presse en ont fait un de leurs artistes favoris. En 1985, La Peau du léopard recueille une grande sélection d'images et, en 1996, le galeriste Christian Desbois et Dargaud réunissent une grande partie de ses travaux dans un ouvrage intitulé Un nouveau monde (avec la participation d'Éric Verhoest et Jean-Luc Cambier). Il ne faut pas non plus oublier les affiches et les portfolios qui lui permirent d'expérimenter de nouvelles techniques et des sujets inédits.

Passionné de cinéma noir, de l'Amérique d'Edward Hooper et de ligne claire piégée, Ted Benoit fut un acteur discret mais essentiel de la bande dessinée. Il aura marqué la BD moderne de son empreinte élégante. Tous ceux qui regardaient dans les années 80 à la télévision l'émission de Philippe Manoeuvre et Jean-Pierre Dionnet Sex Machine dans Les Enfants du rock sur Antenne 2se souviendront des illustrations du générique signées Ted Benoit... So long Ted!

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3 commentaires
  • ericas3

    le

    c est bob de moor le premier repreneur de Blake et mortimer, ted benoit est le second

  • Laurent Faurite

    le

    C'est le deuxième décès prématuré, après celui de Sterne, d'un repreneur de Jacobs.

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