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Ahmed Agne, éditeur de mangas à la force du poignet

En 2003, ce trentenaire qui a grandi à Trappes a cofondé Ki-oon, une maison d’édition spécialisée dans les mangas. Grâce à une stratégie audacieuse, le succès est au rendez-vous. Deux de ses productions sont sélectionnées pour le Festival d’Angoulême.

M Le Magazine du Monde

Publié le 06 janvier 2016 à 13h11, modifié le 11 janvier 2016 à 10h14

Temps de Lecture 3 min.

Cinq millions et demi d’euros de chiffre d’affaires en 2015. La maison d’édition Ki-oon, spécialisée dans le manga et installée dans 230 mètres carrés de bureaux au cœur du 9e arrondissement de Paris, se porte bien. Du chemin a été parcouru depuis la cité HLM de Trappes dont Ahmed Agne, le directeur, est originaire. « Ceux qui disent : “Regardez-le, quand on veut, on peut” se trompent, coupe court le presque quadragénaire. Je ne suis pas un exemple, plutôt le résultat d’une équation où la motivation a été l’un des facteurs. Mais pas le seul. »

Ahmed Agne est éditeur de mangas. Il codirige la maison d'édition Ki Oon qu'il a cofondée en 2003 avec Cécile Pournin.

Première donnée de ce calcul : son père, ouvrier mécanicien arrivé du Sénégal dans les années 1970. « On n’avait pas d’argent, mais il m’a donné une arme fabuleuse : une carte de bibliothèque », aime-t-il raconter. Tintin, romans, mythologie égyptienne… Dans la chambre qu’il partage avec ses cinq frères et sœurs, Ahmed dévore tout.

Puis viennent les années 1990. A la télé, le « Club Dorothée » diffuse de nouveaux dessins animés venus du Japon. « Avec Olive et Tom ou Les Chevaliers du zodiaque, on pouvait enfin s’identifier à des personnages qui vivaient les mêmes choses que nous : premières amours, amitiés trahies… »

Un séjour de deux ans au Japon

Il passe des heures à noircir des cahiers de silhouettes aux grands yeux. Sa passion pour l’animation nippone aurait pu s’arrêter là. Mais une nouvelle variable entre dans l’équation : son père insiste pour qu’il intègre un collège à quelques kilomètres de Trappes. « J’y ai découvert la mixité sociale en côtoyant des fils de médecins, d’artistes... Mon horizon s’est ouvert. »

Au lycée, il achète ses premiers mangas et les décrypte en VO muni d’une méthode Assimil. La fac de japonais s’impose. A la faveur d’un programme d’échanges, il passe même deux ans au Japon. Là-bas, ce grand Peul de 1,90 mètre détonne. « Le premier jour, le chauffeur de bus, effrayé, ne s’est pas arrêté », se souvient-il amusé.

De retour en France, bardé d’un diplôme de maîtrise et de lettres de recommandation, il déchante vite. Deux cents candidatures, aucun entretien. Parallèlement, avec Cécile Pournin, une amie de fac, ils assistent à l’explosion du manga en librairie. A l’époque, l’offre se limite à des shōnen, des BD pour jeunes garçons type Dragon Ball, et les deux passionnés ne s’y ­retrouvent pas. Progressivement, l’idée leur vient d’éditer des seinen, des œuvres pour adultes.

Des choix éditoriaux novateurs

En 2003, ils se lancent. Le marché du manga en France consiste à racheter des licences aux éditeurs japonais. Ahmed et Cécile ont une autre stratégie : tous les deux bilingues, ils se rapprochent directement d’auteurs indépendants, méconnus au Japon. Nuit blanche après nuit blanche, ils construisent leur catalogue. Pendant cinq ans, Ki-oon se résume à un canapé et deux ordinateurs dans le studio d’Ahmed, à Trappes. Puis, ils se versent enfin un salaire et embauchent leur premier employé. « Leur force, c’est leur passion, mais surtout leur vision marketing, pointe Christophe Lenain, libraire spécialisé. Ils ont été les premiers à proposer des extraits en ligne ou à organiser des rencontres entre fans et auteurs. »

Ahmed Agne fait aussi preuve d’audace éditoriale. Il mise à la fois sur une valeur sûre, la science-fiction, et sur des sujets plus controversés pour attirer un nouveau lectorat. Son dernier pari en date, A Silent Voice, mêle handicap et harcèlement à l’école. Et ça marche. Avec des séries dont les ventes dépassent 600 000 exemplaires, Ki-oon est aujourd’hui le quatrième éditeur de mangas en France – et le premier indépendant – et représente 10 % de parts de marché.

Consécrations, l’une de leurs productions a été vendue dans dix pays, dont le Japon, et deux sont nominées au Festival d’Angoulême (du 28 au 31 janvier). Mais à titre personnel, Ahmed savoure une autre victoire : « Ma mère a enfin arrêté de dire à ses copines que son fils faisait du chinois. »

Corinne Soulay

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