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The Dark Knight.
FRANK MILLER

Frank Miller : « Sous ma plume, Batman est devenu un anarchiste, et il deviendra un révolutionnaire »

Propos recueillis par 
Publié le 27 octobre 2015 à 15h09, modifié le 27 octobre 2015 à 17h25

Temps de Lecture 6 min.

Frank Miller, l'auteur de bandes dessinées, scénariste de films et réalisateur américain était l'invité du Comic-Con de Paris. Le mythique – et controversé – auteur de The Dark Knight Returns – est revenu pour Le Monde sur l'évolution de sa vision du chevalier noir.

La troisième partie de votre saga Dark Knight sera publiée quatorze ans après le deuxième épisode. Pourquoi y revenez-vous aujourd'hui ?

C'est très simple : j'ai eu une nouvelle idée. J'attendais avec impatience de retourner vers Batman pour revisiter à nouveau le personnage. C'est l'un des avantages des héros classiques : on peut toujours y revenir, leur rendre visite et les transformer.

L'idée de départ, c'est que Batman sera toujours un protagoniste majeur, mais que Superman jouera un plus grand rôle. L'intrigue tournera autour de la libération de la ville de Kandor, la capitale de la planète Krypton où est né Superman. Dans l'histoire, Batman libère un million de supermans en puissance. Le héros masqué et Superman doivent alors se rejoindre pour empêcher la conquête de la Terre.

La couverture du prochain Batman Dark Knight.

Vos dernières œuvres ont fait l'objet de vives critiques, on vous accuse d'avoir fait preuve de racisme dans 300 et Holy Terror!, de misogynie dans Sin City, et vous avez même été qualifié de « cryptofasciste ». Titrer ce prochain album The Master Race (« la race supérieure »), c'est une provocation ?

Je ne ferais pas bien mon travail si je n'étais pas provoquant. Mon rôle est de faire réagir les gens. Je veux des réactions de colère ; plus les critiques seront furieux, et plus je serai content. Cela me donne le sentiment que je suis parvenu à réaliser quelque chose.

Vous avez déclaré que dans ce troisième volet, Batman sera encore plus « dur »...

Ce qui définit Batman, ce n'est pas sa force physique, ni sa capacité à encaisser les coups, mais c'est le fait qu'il soit l'homme le plus intelligent au monde. Par le passé, lorsqu'il a affronté Superman, il a gagné. Dans The Master Race, il devra affronter des millions de personnes aussi fortes que Superman… mais s'il fallait parier, je parierais sur Batman.

Mais pour battre Superman, Batman a eu besoin de l'aide d'autres superhéros…

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Batman ne peut pas vaincre seul. Heureusement, DC Comics dispose d'un vaste panthéon de héros, une véritable armée qui sera à ses côtés. Mais son intelligence reste la clef de sa force : souvenez-vous, dans The Dark Knight Strikes Again, il s'était procuré de la kryptonite [un matériau qui affaiblit Superman] de synthèse, qu'il a ensuite donnée à Green Arrow…

Au cœur de Dark Knight se trouve la question des choix moraux. Batman ne tue jamais ; avez-vous des règles, des principes moraux auxquels vous croyez et que vous appliquez ?

[Silence] Suivre des règles de conduite, appliquer un code d'honneur, c'est facile. Ce qui est difficile, c'est d'élaborer ces règles, de se construire son code. C'est la partie vraiment difficile, et c'est le travail de toute une vie – pour moi comme pour mes héros.

En 2011, vous avez cessé de publier des messages sur Twitter, votre blog n'est plus accessible, et vous n'avez recommencé à publier des messages sur Internet que pour annoncer le retour de The Dark Knight. Pourquoi ce silence de quatre ans ?

Je travaillais tout simplement sur plusieurs projets différents, dans le calme. The Master Race est l'un d'entre eux. Mais il y a aussi une suite de Sin City, Home Front, qui est une histoire d'amour entre un agent fédéral américain et la cheffe d'un réseau de la résistance française durant la seconde guerre mondiale.

Je me suis toujours intéressé à la seconde guerre mondiale – aussi loin que je me souvienne, cette période m'a fasciné. Je suis aussi amoureux des vêtements, des voitures de cette époque. Le fait que j'aie choisi de placer l'action de Sin City à ce moment de l'histoire me permet de dessiner ce que j'aime.

Frank Miller, le 25 octobre au Comic-Con de Paris.

Vous n'étiez pas lassé des rapports directs avec vos lecteurs, qui se sont montrés pour certains très critiques sur vos dernières œuvres ?

Pas du tout, j'adore le fait d'avoir une relation directe avec mes fans. Je trouve cela excellent, et j'ai toujours aimé les bonnes bagarres générales. Qu'ils viennent me chercher !

The Dark Knight Returns a été écrit avant l'arrivée du Web. Mais vous y décrivez une télévision omniprésente et décérébrée… Vous pensez toujours que les médias de masse sont dangereux ?

Non. Si c'était à refaire, je traiterais cet aspect d'une manière très différente aujourd'hui. La manière dont je décris le fonctionnement et le rôle de la télévision dans The Dark Knight Returns est immature. La télévision, comme toutes les autres formes de communication, peut être une bonne chose – elle ne fait que soumettre au public des images, qui sont ouvertes à l'interprétation.

Vous avez expliqué avoir eu l'idée de créer un Batman cinquantenaire lorsque vous-mêmes avez atteint trente ans, l'âge de Bruce Wayne. Aujourd'hui, vous avez 58 ans, et vous avez donc dépassé votre Dark Knight. Est-ce qu'avec le recul, vous changeriez des choses sur la manière dont vous aviez imaginé la « vieillesse » de Batman ?

Je ne changerais rien dans The Dark Knight Returns. Je changerais probablement des choses dans The Dark Knight Strikes Again. Et dans The Master Race, j'aborderai cette question de l'âge d'une manière très différente. Lorsque j'ai commencé à travailler sur cette série, j'étais obsédé par l'idée de savoir à quel point le physique des personnages serait, avec le temps, affecté par tous ces combats.

Maintenant, avec le regard d'un cinquantenaire, je me rends compte que l'impact de l'âge sur le physique d'un personnage est loin d'être la chose la plus importante qui se produise lorsqu'on vieillit. Avoir cinquante ans, c'est loin d'être aussi vieux que ce que j'imaginais lorsque j'en avais trente ! Et il y a beaucoup d'autres choses qui viennent avec l'âge : la maturité, l'expérience, qui sont autant de choses qui changent ce qu'est devenu Batman avec le temps. Dans The Master Race, par exemple, personne ne pourra plus le tromper.

Le temps a aussi eu un effet sur votre vision du rôle de Batman...

Dans mon rapport à Batman, il y a eu plusieurs phases. Lorsque je l'ai découvert enfant, à cinq ans, c'était un père sévère, une figure résolument paternelle. Il l'est resté par la suite, mais j'ai commencé à le voir sous des aspects plus politiques, plus philosophiques.

« Batman était un justicier autoproclamé et sauvage, il est devenu une figure d'autorité, avec un badge de policier »

En parallèle, le contenu des comics Batman évoluait aussi : nous sommes passés d'un justicier autoproclamé et sauvage à une figure d'autorité, avec un badge de policier. Sous ma plume, il est devenu un anarchiste – et dans The Master Race, il deviendra une figure authentiquement révolutionnaire.

Un anarchiste ? Dans les deux premiers épisodes de The Dark Knight, votre Batman se bat pourtant pour restaurer l'ordre à tout prix, allant jusqu'à enrôler des gangs des rues pour imposer la loi martiale dans Gotham City…

Si vous êtes un anarchiste, vous considérez que l'ordre existant est corrompu, et le détruire est la première chose que vous souhaitez faire – et pour cela, tous les moyens sont bons. La lutte des Irlandais pour l'indépendance, comme la résistance française, nous a montré qu'il pouvait être nécessaire de descendre dans la rue pour se lever contre la tyrannie. Parfois la seule manière de faire en sorte que le monde fasse sens est de détruire l'ordre existant.

Vous dites souvent que toutes les œuvres naissent dans un contexte. Vous pensez que nous sommes à la veille d'une révolution ?

Non. The Master Race est une fiction. Mais je vous promets que ça sera une bonne lecture.

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