Cinq cents personnes environ ont pris part, samedi dans les rues d’Angoulême, à la marche des « auteurs pour la création », en marge du Festival international de la bande dessinée. Regroupés derrière une banderole sur laquelle était écrit « Sans les auteurs, plus de BD. Les auteurs plus qu’à poil », les professionnels du 9e art entendaient protester contre la précarisation grandissante de leur métier, incarnée par un projet d’augmentation de cotisation de retraite complémentaire. Obligatoire à partir de l’an prochain, celle-ci ponctionnerait les auteurs de l’équivalent d’un mois de salaire, alors que la grande majorité d’entre eux ne gagne pas le smic.
Il est 14 h 30 quand le cortège s’élance depuis la place du Champ-de-mars, devant le « Monde des bulles », l’un des principaux espaces du FIBD. Longtemps réputé pour son individualisme et son manque d’organisation, le petit monde de la bande dessinée a à cœur de démontrer le contraire, même s’il apparaît vite évident qu’il n’a pas l’habitude de ce genre de rassemblement. L’ambiance est bon enfant ; elle va vite devenir potache, en raison, notamment, de l’absence de slogans préalablement préparés.
« Trouvez-nous un slogan ! »
Au premier rang, Lewis Trondheim et Fabrice Neaud s’improvisent en meneurs de troupe. « Trouvez-nous un slogan ! », lance le premier. Dans un épanchement continu de franche rigolade suivront des « Ils sont méchants, pas nous », « Le soleil est avec nous » et autres « CRS = Tendresse ». A mi-chemin, le rédacteur en chef de Fluide Glacial, Yan Lindingre, harangue la foule d’un ton gaullien, depuis la fenêtre d’un immeuble du centre-ville : « Auteurs de BD, je vous ai compris. »
Moins d’une heure après son départ, le cortège arrive à son point d’arrivée, l’Hôtel de ville d’Angoulême, au fronton duquel a été accrochée une banderole énumérant les noms des victimes des attentats des 7 et 9 janvier. Parole est alors donnée au scénariste Fabien Velhmann.
« A l’heure où, dans notre profession, certains se prennent à douter, se demandent si ce qu’ils font a un sens, s’il y a encore le moindre intérêt à faire nos petites cases à la con, nos petites BD tout seul dans notre coin, ces meurtres constituent une violente et aberrante piqûre de rappel : il faut croire que dessiner peut parfois avoir du poids, puisqu’on peut se faire tuer pour ça, déclare-t-il. Le paradoxe absolu de cette situation, c’est qu’alors même que l’on voit fleurir partout les preuves d’un puissant attachement au dessin, à la liberté d’expression et à la culture, notre profession se porte mal, nous obligeant aujourd’hui à manifester notre colère. »
« Colère »
L’objet de ladite « colère » est une lettre du président du conseil d’administration du Régime de retraite complémentaire des artistes et auteurs professionnels (RAAP) de mai 2014 annonçant une réforme du système existant, dont les modalités feraient diminuer de 8 % les revenus des cotisants. La mesure a provoqué un tollé au sein de la profession, en partie rassemblée au sein du groupement bande dessinée du Syndicat national des auteurs et compositeurs (SNAC).
Las des débats infructueux depuis six mois, le mouvement a décidé de s’adresser directement au chef de l’Etat, François Hollande. « Nous vous demandons, monsieur le président, de prendre vos responsabilités et de négocier avec les véritables partenaires sociaux : les organisations représentatives des auteurs et artistes, a lancé Fabien Vehlmann. Monsieur le président, faut-il vous rappeler que les auteurs et les artistes, outre leur importance symbolique et culturelle, sont aussi à l’origine d’une richesse économique qui confère à leur secteur la troisième place de contributeur au PIB, devant l’industrie automobile ? »
Un temps pressenti, François Hollande ne viendra finalement pas à Angoulême pendant le festival. La ministre de la culture, Fleur Pellerin, sera là en revanche dimanche. Il y a de fortes chances pour qu’elle soit interpellée sur le sujet.
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